12 Mai 2013
DIADEM
Si l'alpage est bien loin, j'entends encore les vaches musiciennes
d'un quatre pas rythmé marchant vers les hauteurs, parfois meuglant
à cause d'une indignation soudaine, inexpliquée ; puis arrivées
dans l'herbe douce de la crête arrondie, que frôlent les nuages
leur contrepoint commence à chaque broutée de verdure,
et d'invisibles cloches d'écho nous reviennent de l'autre vallée !
.
Ma préférée avait sur son front têtu et frisé une étoile blanche,
Sa robe tiède était brun fauve uni et ses cornes à pointes noires
attestaient de son hérédité de tarentaise ; nullement craintive,
broutant avec un petit bruit de ciseaux, elle écoutait patiemment
mes monologues de gamin et ma badine d'apprenti berger
ne l'impressionnait pas. On l'appelait Diadem, pour autant
.
que je me souvienne, et c'est un nom d'astre qui venait tout droit
d'un dictionnaire ouvert au hasard. À son cou ballait une jolie
campane cônique en airain argenté, timbre riche en harmoniques
acides et vibrants comme en bouche une tige d'oseille mâchée,
tandis qu'on regarde l'ombre des bois s'allonger sur les pentes
parfumées d'une odeur de pomme, à l'heure où le soleil décline...
.
Douceur d'un temps libre et sauvage. Le monde était minuscule
à nos pieds, hameaux jouets, bulbes brillant d'églises, brumes
au défaut d'une cluse lointaine où se perdait le ruban brillant
des eaux de la Menoge. C'était au temps où tu habitais ton poème
sans le savoir. Et chaque chose autour de toi était neuve et belle.
Et la tête cornue près de toi, d'un museau noir, rythmait l'éternité.